1. Qui es-tu en dehors du club ?J’ai commencé à jouer aux jeux de rôle à onze ans. Après un parcours classique et rapide : livre dont vous êtes le héros reçu fortuitement et quelques parties de Talisman ; je suis initié à l’Œil noir puis à Paranoïa. J’achète RuneQuest pour mes douze ans. Depuis lors, je joue très régulièrement.
Il y a trois ans, je me suis mis en tête de constituer ma ludothèque idéale en chinant sur des sites d’occasion. Entre les jeux hors de portée de ma bourse d’adolescent et ceux que je ne pouvais pas acheter étant joueurs, j’avais pas mal de frustrations ludiques. Maintenant, avec près de 350 références, je suis passé du côté des collectionneurs.
Mes autres activités ludiques résident dans les jeux de figurines et, plus particulièrement, les jeux d’escarmouche. Je joue plus ponctuellement aux jeux vidéo et plutôt sur ma tablette.
Pour le reste, vous n’avez pas le niveau d’accréditation pour connaître cette information. Veuillez vous rendre au centre d’extermination le plus proche. L’Ordinateur est votre ami.
2. Quelles expériences cherches-tu à apporter à tes joueurs et comment t’y prends-tu ?J’ai changé l’ordre des questions parce que l’expérience que je cherche à apporter est primordiale. Le choix du jeu va en dépendre, car il n’est que le support de mon propos ou plutôt du questionnement que j’aimerais faire ressentir à mes joueurs. En général, ce sont des questions existentielles qui ressemblent un peu à un Bac philo, mais qui s’incarnent dans une histoire.
Par exemple, dans ma partie de Cthulhu, la question centrale était « bien que nous ayons l’illusion de dominer la Terre grâce à nos perceptions infaillibles, sommes-nous en réalité que des poussières parmi les étoiles ? ». Lovecraft traite magnifiquement la question et sa réponse clôt définitivement le débat, mais il met en scène des personnages plutôt contemplatifs. Mon travail consista alors à traduire en jeu de rôle ce que Lovecraft écrit. J’ai donc utilisé l’Appel de Cthulhu dont l’unique qualité tient dans son aspect encyclopédie lovecraftienne, mais j’ai viré toute l’influence de Derleth (notamment le mythe).
J’ai été chercher du côté de Penny Dreadful pour l’argument scénaristique du groupe. Avoir un commanditaire permettait aisément d’adjoindre de nouveaux personnages au profil diversifié et utile à la campagne.
Pour créer la sensation d’anticipation et de trouble des sens, mes joueurs avaient deux personnages. Le joueur connaissant par anachronisme entre les personnages le déroulé d’actions futures ou déroutantes. Le procédé permettait également d’avoir un tapo et un intello suivant les scénarios et donc de varier les plaisirs de jeu.
J’ai conçu l’arc narratif long et les événements principaux de la campagne. Quelques personnages qui me servaient de références et qui bénéficiaient d’une préparation proche d’un PJ. J’improvisais le reste (grosso modo tout en fait) en me basant sur des photos ou sur le pillage sans scrupule des idées des joueurs.
En cours de jeu, mon objectif principal est que le joueur passe un bon moment. Un bon moment n’implique pas forcément un sentiment de toute-puissance ou de progression débridée que du contraire. Il me semble plus intéressant d’avoir des drames, des dilemmes, des remontées, des victoires flamboyantes qui nous forcent à tout perdre pour vaincre…
3. As-tu une anecdote rôlistique que tu aimerais partager avec nos lecteurs ?Lors de ma première partie de Donjons et Dragons, je jouais un magicien avec 4 points de vie. Un écureuil berserk m’a sauté à la gorge et m’a infligé 3 points de dégât. Nous avons dû débattre une bonne heure de la connerie (ou pas) de la règle et de la crédibilité de cet écureuil. Pendant longtemps, j’ai cru que la négociation sur les règles était un passage obligé.
Maintenant, j’ai un désintérêt total pour les règles en tant que meneur. Je les vis comme une mauvaise habitude de rôlistes. « A DM only rolls the dice because of the noise they make. »
4. Quels types de jeux aimes-tu maîtriser ?Plus qu’une époque ou une thématique précise, j’aime les jeux qui proposent des « bacs à sable ». C’est-à-dire des contextes de jeu donnant les outils aux meneurs pour développer ses propres campagnes. Je préfère donc des jeux se présentant à travers des encyclopédies sur les peuples ou les régions, des recueils d’équipements, etc.
Je suis en général déçu des scénarios de jeux de rôles. Ils me brident dans mon plaisir à improviser. Je préfère avoir des romans ayant un contexte commun avec le jeu de rôle. Par exemple, Warhammer 40K, Guildes ou Shadowrun ; plus récemment, des séries comme The Stranger things, Le Trône de Fer sont excellents pour développer des scénarios.
Comme souvent la réalité dépasse la fiction, les contextes historiques présentent de magnifiques terrains de jeu. Et si ça ne suffit pas, ajouter une dose de fantastique est très agréable (Ars Magica, Pavillon noir, etc.)
5. Quels conseils donnerais-tu aux MJ débutants et par quel jeu leur proposerais-tu de commencer ?Il est important de garder en tête deux choses :
Le « jeu » dans sa composante de divertissement.
Le « rôle » comme l’incarnation d’un personnage avec une histoire et des motivations.
Or, le jeu de rôle contient un paradoxe. Il est probablement le jeu qui a le plus développé la notion de contexte et de règles devant simuler l’ensemble des événements de ce contexte. Il y a des dizaines voire des centaines de suppléments pour décrire l’univers, son fonctionnement et pour proposer des aventures sous forme de scénario ou de campagne. Cependant, le meneur de jeu — malgré toute la préparation du monde — se voit obligé d’improviser tant les situations que les dialogues.
Il convient donc de ne pas trop se mettre la pression sinon on perd le jeu et le rôle.
Deuxième conseil, bien distinguer ses goûts en tant que joueur et en tant que meneur. Apprécier les longs dialogues, une évolution subtile de son personnage, mais être un meneur « fast and furious ». On peut être un joueur féru de science-fiction, mais avoir plus de plaisir à mener une partie d’un jeu historique… Etc.
Pour les débutants en jeu de rôle, je trouve les kits de découverte (Larousse, Éditions 404) plutôt bien foutus.
6. Souhaites-tu partager avec nous quelques liens vers des musiques ou images qui t’inspirent ?La musique est l’art du rythme. Je trouve qu’elle est très difficile à manier dans une partie, car le temps se délatte ou se compresse au gré de la narration. Je n’en utilise presque jamais.
J’utilise par contre beaucoup d’images comme sources d’inspiration. C’était principalement des livres d’art et d’histoire, et aussi, des livres sur les légendes, les mythes, la sorcellerie, etc. Maintenant, ça passe beaucoup par internet :
Pinterest bien entendu.
Colorized historyRetronautLa boîte verteJe regarde aussi beaucoup de chaînes YouTube de vulgarisation historique :
Confession d’histoire que je recommande chaudement
C’est une autre histoire pour savoir pourquoi les statues grecques ont un petit pénis
Les revues du monde pour une approche plus pulp.
L’indispensable
Horror Humanum est.
Psylab pour bien préparer la perte de santé mentale à Cthulhu
Sur le jeu de rôle :
Il y a aussi l’émission du
Podcast anonyme qui est vraiment bien
Icosaèdre