Tout d’abord, mes félicitations pour cette série d’interviews. J’aborde celle-ci avec beaucoup d’humilité vu la qualité des entretiens précédents. Je remercie aussi Lifo de m’avoir nommé, mais comme il l’a lui-même promis, cela se payera à un moment ou un autre…
1) Qui es-tu en dehors du club ?En 1955, le gouvernement Churchill a activé le programme secret « Rule Britannia » dont le centre d’opération est situé dans les souterrains de la Tour de Londres. J’ai été envoyé dans le futur afin d’œuvrer à étendre l’influence britannique dans le monde et l’univers : je ne cache donc pas que suis fort déçu par les derniers évènements qui ont amené le continent à quitter l’Union Européenne. Je suis un des petits-fils de Sir Winston et mon Oncle est Roger Moore qui s’est inspiré de mon prénom et de mon titre pour un de ses personnages à l’écran, librement inspiré de ma vie : Lord Brett Sinclair.
Est-ce que toute autre histoire intéresse quelqu’un ? Si ? Vraiment ?
Bon alors, j’ajouterais que ma découverte des jeux de rôles date de mes 15 ans, grâce à un supplément du défunt
Jeux & Stratégie : Méga I. Un des jeux de rôle les plus vendus en France car disponible dans tous les kiosques. Nous étions 4 amis, qui n’avions jamais joué, chacun a maîtrisé à tour de rôle pour les trois autres. Nous avons très vite acquis
JRTM, dont nous avons immédiatement simplifié les règles et détourné la trame (nous étions les serviteurs de Morgoth au premier âge). J’ai ensuite acquis
Space Opera, chaudement recommandé par le vendeur de Dédale… je lui en ai longtemps voulu – mais il y a prescription - car ce jeu en anglais est généralement considéré comme un des plus mauvais et complexes JdR de SF. Cela ne m’a pas empêché de maitriser une folle campagne en ne gardant que le nom et quelques idées de ce dernier.
2) Quels types de jeux aimes-tu maîtriser ?J’aime modérément me plonger dans des nouveaux systèmes même si, comme joueur, c’est différent. J’apprécie les systèmes génériques. Je reconnais que cela ne présente pas que des avantages mais cela m’évite de devoir absorber de nouvelles règles à chaque jeu. Le système doit me permettre de simuler – si nécessaire – des choses complexes. J’insiste sur « si nécessaire » car cela ne doit pas être la norme et cela n’arrive en général qu’une ou deux fois par séance. En aucun cas, la règle ne doit primer sur le roleplay des joueurs et du MJ.
Le système
GURPS le permet.
GURPS est un système générique avec une multitude de suppléments décrivant des univers de jeu ou des périodes historiques ; il est beaucoup plus répandu outre-Atlantique (il y est aussi connu que
Vampire ou
DD). Un autre système permettant cela est celui de
Chaosium dont l’actuel
Cthulhu est une des dernières variantes.
J’adore l’histoire et le space opéra et cela se reflète dans mes choix. J’ai maîtrisé de longues campagnes d’
Empire Galactique,
Traveller,
DD (si, si…),
les secrets de la 7ème mer,
Space1889 (un jeu steampunk dont le système est aussi mauvais que le setting est génial),
James Bond 007,
l’Appel de Cthulhu, et j’en oublie…
J’aime jouer des périodes, des « ambiances », ce qui m’a naturellement amené à maîtriser des histoires sans support officiel dédié : du fantastique contemporain, de l’espionnage très réaliste et noir, la révolution française et sa suite napoléonienne, … Le jeu et ses règles ne sont qu’une excuse pour m’y plonger et y emmener mes joueurs.
3) Quelles expériences cherches-tu à apporter à tes joueurs et comment t'y prends-tu ?Comme probablement (presque) tous les MJs, j’essaie d’apporter à mes joueurs des expériences que j’aimerais moi-même vivre.
Des scénarios plutôt courts (des « one shot ») ou des campagnes vont formater une approche différente. J’ai souvent maîtrisé les premiers, toutefois ma préférence va aux secondes.
Dans le premier cas, il faudra prendre plus de soin à planter directement le décor et à préparer des rebondissements ; dans le second cas, il est plus aisé de laisser les joueurs façonner le déroulement des événements principaux de la trame. Mon ambition reste de plonger les joueurs dans une aventure épique - Dumas, Guerre et paix, Tolkien, Star Wars,…. - et de les laisser tenir les rôles principaux.
De façon générale, j’imagine les problèmes mais jamais les solutions. C’est presqu’une devise de mes parties. Par « problèmes », j’entends toute une série de choses : donjons, énigmes, méchants à combattre, … en fait, tout ce que le meneur va préparer avant les séances. Mais je ne tente jamais de prévoir les solutions. D’abord, prévoir les solutions avant une partie ne fonctionne pas. Si on imagine un labyrinthe avec une seule sortie, les joueurs la trouveront rarement (la loi de Murphy), seront frustrés et déçus.
Deuxièmement, pour le MJ, c’est bien plus plaisant de se laisser surprendre par l’inventivité de la table. Mais il importe de rester honnête : le « problème » (le nombre d’ennemis, le traquenard ou autre péripétie) est figé et il n’est pas question de l’adapter à l’ingéniosité des joueurs.
Dans une campagne j’essaie donc que mes joueurs aient (choisissent) un objectif ultime, une destinée, que ce soit trouver le Graal, conquérir la couronne, devenir un véritable paladin ou un général de légende…. Cet objectif va façonner la campagne et les personnages. Le plus grand intérêt est alors de voir évoluer les personnages, leurs relations avec les PNJs et surtout entre eux.
In fine, le seul critère de réussite est que les joueurs s’amusent.
4) Quels conseils donnerais-tu aux MJ débutants et par quel jeu leur proposerais-tu de commencer ?- D’abord, de lire ou relire les très bons conseils énoncés dans les interviews précédentes.
- Apprenez de vos maîtres : si vous appréciez jouer avec un MJ, essayez de voir ce que vous aimez dans ses parties (les personnifications, des intrigues complexes, des combats épiques…) et utilisez ces ingrédients pour créer vos propres parties.
- Amusez-vous en tant que MJ : si vous ne vous amusez pas, vos joueurs non plus ne s’amuseront pas !
- Pour paraphraser ce bon vieux Gary, les dés sont là pour faire du bruit derrière le paravent. En aucun cas les règles ne doivent ralentir le rythme d’une partie ou, pire, la faire dérailler : improvisez, trichez si nécessaire, et si vous le faites avec deux onces d’aplomb, un zeste de panache et surtout une large rasade d’honnêteté intellectuelle, vos joueurs ne vous le reprocheront jamais.
- Emmenez vos joueurs dans votre univers, dans votre imagination, mais attention de ne pas les y perdre ! En d’autres termes, utilisez un terrain de jeu que vous connaissez et maitrisez bien, mais efforcez-vous de ne pas être trop hermétique !
- Improvisez, rebondissez sur les idées de vos joueurs ; mais si c’est plus qu’un one shot, il est important de prendre des notes à la fin de la partie au risque d’être « débordé » par les souvenirs et les notes de vos joueurs pour la suite.
- Usez et abusez des effets spéciaux : décrivez, amplifiez et utilisez des superlatifs car dans un jeu de rôle où les seules limites sont l’imagination, les monstres doivent être cauchemardesques, les flottes spatiales incommensurables, les constructions dantesques…
- Un petit truc bien utile est de garder prêts un ou deux événements qui peuvent survenir plus ou moins n’importe quand : une attaque de brigands, un traquenard, un PNJ voleur ou allié dont l’intervention va relancer l’histoire ou même seulement le tempo. Utilisez ces atouts si l’histoire s’enlise ou si l’énergie autour de la table baisse.
La question de Simorg : Que penses-tu de la mort d’un personnage joueur?En toute franchise, pas grand-chose. Tuer un personnage sur un jet de dé ne me semble pas avoir beaucoup de sens, et le faire disparaître par la volonté du scénario ou pire du MJ est presqu’un abus de pouvoir.
J’entends déjà rétorquer qu’il faut que le joueur garde le sentiment qu’il peut perdre ses acquis, c’est-à-dire son personnage. Je ne le crois pas : le joueur à peur de perdre ses trésors, ses compétences, ses avantages, etc. Il est bien plus séduisant en cas d’échec aux dés ou face à l’intrigue que le personnage se retrouve blessé, affaibli, ruiné… Devoir remonter la pente devient alors une aventure en soi.
Il peut y avoir d’autres raisons de tuer un personnage, par exemple s’il a des sentiments antibritanniques, ou à sa demande – car il désire jouer un autre personnage - et dans ce cas sa mort peut être mise en scène avec ou sans son aide.
5) As-tu une anecdote rôlistique que tu aimerais partager avec nos lecteurs ?Des millions ! Des fous rires, des souvenirs mémorables ? En voici un en particulier : à
7ème Mer, mes joueurs étaient accusés à la cour du Roi, et l’accusateur - joué par moi – a décrit le meurtre qu’ils auraient commis la veille. Un de mes joueurs m’a repris pour préciser : « l’avant-veille » … silence…il se considérait hors-jeu…et avec un grand sourire, j’ai repris le rôle de l’accusateur : « voyez mes seigneurs, ils se dénoncent, ils y étaient, ». Le joueur m’en veut encore.
Mais certains de mes souvenirs les plus mémorables ont trait aux actions ou aux réflexions de mes joueurs qui m’ont quelque peu laissé sans voix. Ainsi lors d’un jeu de SF, mes joueurs se retrouvent acculés, leurs armes lasers rendues inopérantes, face à des sortes de « Robocops », des gardes en armures lourdes, et l’un deux me dit : « je sors mon couteau »…
Plus qu’une anecdote, une leçon recueillie au travers de bien des parties est que la réussite d’une soirée – c’est-à-dire l’émerveillement et le plaisir des participants – PJs et MJ – résulte d’une alchimie bien difficile à cerner. J’ai ainsi des souvenirs de jeux qui, a priori, ne présentaient que peu d’intérêt à mes yeux, auxquels j’ai parfois joué pour faire plaisir à un ami MJ, mais, au final, il se dégageait de la table une ambiance quasi magique. La qualité et la rigueur d’une préparation de jeu ne garantissent nullement à elles seules la réussite d’une partie. Cette réussite ou cet échec est le résultat de ce qu’apporte toute la table, le MJ et le scénario n’étant que des éléments importants mais nullement prépondérant.
6) Souhaites-tu partager avec nous quelques liens vers des musiques ou images qui t’inspirent ?Cette question est celle qui m’a laissé le plus perplexe, car tout m’inspire pour le jeu de rôle. Je termine rarement un bon livre ou une chronique historique sans me dire : « quel superbe scénario » … La réalité dépasse la fiction et mille anecdotes historiques dépassent les plus folles idées des romanciers et des scénaristes d’Hollywood.
Je pourrais citer à satiété des auteurs de BDs, de fantastique, de SF… je vais toutefois mettre en avant la dessinatrice
Florence Magnin (connue pour ses illustrations du JDR et des romans du «
Cycle d'Ambre ») qui m’a fait rêver. Il semble que ses ouvrages sont devenus difficiles à trouver.
Parmi les livres dit sérieux sur le JdR, il y en a un qui sort du lot : «
Dirty MJ » (I & II) de
John Wick.
J’avoue toujours trouver plaisir à relire les articles des vieux «
Casus belli » (voir l’interview de JeudiMaster et le lien vers l’un de leur suppléments)